La place du langage dans la violence du pouvoir psychiatrique

- Par un membre ex-psychiatre dépressif radié de l'ordre de médecine, aujourd'hui membre éminent de la Comissions des Citoyens pour les Droits de l'Homme (CCDH), association dénoncant les abus commis en psychiatrie.

Il est IMPOSSIBLE d’envisager une communication efficace en entretien psychiatrique lorsqu’il s’agit d’arriver à la vérité — et donc à quelconque diagnostic concret. La nature elle-même des maladies psychiatriques est sujette à question, tant elle n’est basée que sur des définitions consensuelles, elles-mêmes soumises à toutes les problématiques propres au language — et tant elle ne repose que sur des constructions sociales fragiles propres à une culture donnée. Cette nature subjective de la pathologie psychiatrique, et ces limitations propres au langage rendent impossible l’établissement de critères objectifs et vérifiables pour prétendre à poser un diagnostic — et encore moins d’envisager de « soigner » un patient. Ce qui relève ou pas du pathologique est, très clairement, profondément influencé par des critères sociaux et culturels, suggérant la condition subjective inhérente au diagnostic psychiatrique, qui est presque systématiquement toujours influencé par les biais, croyances personnelles, et conjectures du psychiatre — entre autre, le psychiatre établit un « récit » de la pathologie dont il est le maître et son diagnostic sera systématiquement considéré comme « le mot de la fin » ; légalement, socialement, lorsque le diagnostic est posé, la maladie existe indéniablement aux yeux de tous : les proches du patient, les entités légales avec lesquelles il aura à faire affaire, et l’ensemble du corps médical. C’est en ce sens Foucault décrit l’hôpital psychiatrique comme lieu « médico-étatique ».

La psychiatrie dépossède l’individu désigné « aliéné » de son rapport au langage ; il le déplace à l’intérieur d’un champ technico-adminstratif dont les termes sont souvent inconnus au patient ; phénomène plus profondément marqué encore lorsque le psychiatre et le patient évoluent dans des sphères sociales et culturelles très différentes. Lors de l’entretien psychiatrique, le patient est amené à penser qu’il peut parler librement, et en ses mots, des quelconques états qu’il traverse ; il ne se rend pas compte qu’il évolue dans un champ légal où tout ce qu’il dit est interprété au bon vouloir du psychiatre, et fera plus tard office de « preuves » pour appuyer tel ou tel diagnostic. Une fois le diagnostic posé, la machine médico-étatique est en marche, et dès lors, tout comportement ou toute parole du patient est interprétée et manipulée pour appuyer le diagnostic précédemment posé.

Le patient est réellement dépossédé ; la communication efficace n’est plus envisagé puisque celle-ci n’existe plus : le langage est complètement parasité par le champ psychiatrique, c’est un dialogue de sourd entre le psychiatre et le patient. Voilà la place du langage dans la violence du pouvoir psychiatrique.